"A l'égal de Pascal ou Bossuet, Molière pose au spectateur l'interrogation véritable d'un moraliste véritable. C'est l'annonce de l'homme vis-à-vis de son destin. C'est de salut et de damnation qu'il est question.
"C'est, à mon avis, la plus grande pièce de Molière "
LOUIS JOUVET.
«  Dom Juan ne parvient pas à se constituer en une forme, une apparence, une identité ».
"Dom Juan c'est un crachat endiamanté"
"A partir du quatrième acte, les femmes n'existent plus. Elvire ne peut revenir qu'en se niant apparemment comme femme. Peut-être que les femmes n'étaient que le leurre d'une quête qui était différente ! Une fausse piste en quelque sorte"
JACQUES LASSALLE
 
"Il n'est qu'une pensée et une parole. Il n'existe que contre" ROGER PLANCHON
 
"Dom Juan croit peut-être même en Dieu : simplement, il ne veut pas entendre parler de lui, car cela troublerait sa vie de plaisir" BERTOLT BRECHT
"Plutôt qu'un athée, Dom Juan est un impie.
"Quand il en parle, il fait des femmes un objet idéal, merveilleux; quand il agit, il en fait des objets tout court" L.G TIN
"La scène du Pauvre, par sa place médiane, marque la ligne de partage entre les voluptés charnelles et l'ascèse spirituelle. L'éclairage de la pièce change. Ensoleillée par le miroitement de la mer, la pièce tend à s'enténébrer par la pénombre du sous-bois et l'insensible  approche d'on ne sait quel crépuscule"
J.P. COLLINET
"La victoire du Temps et de la Mort ancre définitivement la pièce dans le tragique baroque de la confrontation avec la transcendance" D.SOUILLER
 
ILS ONT DIT DE DOM JUAN :
 
- Dom Juan de Molière -Jean Vilar, Daniel Sorano et la troupe du T.N.P. - Chaillot, 1954 - 2CD
- Dom Juan ou le festin de pierre, ORTF     - Marcel Bluwal - téléfilm en vidéocassette
- Elvire Jouvet 40 - Mise en scène de Brigitte Jaques - Réalisateur : Benoit Jacquot - 1986 - 35 mm - images : Jacques Boudin; Montage : Janine Verneau, Anna Csekme - Production : Théâtre National de Strasbourg, INA - Distribution INA
- Elvire Jouvet 40 : Editeur Paris CNC, 2005, 1 DVD
- Dom Juan de Molière, Autour d'une mise en scène de Jacques Lassalle (Série Théâtre : Présent/Passé) Un film de Jeanne Labrune
Le Dom Juan de Molière, pièce censurée à son époque, a été occultée pendant plus de deux siècles. Depuis le début du nôtre, il a  été redécouvert et-  mis en scène de nombreuses fois. A travers les répétitions d'un nouveau "Dom Juan", aujourd'hui monté par Jacques Lassalle, interprété par Andrzej Seweryn (Dom Juan), Roland Bertin (Sganarelle), Jeanne Balibar (Elvire) et la troupe de la Comédie Française, le film analyse de façon comparative la constellation des précédentes mises en scène par Louis Jouvet, Jean Vilar, Marcel Bluwal, Patrice Chéreau, Bernard Sobel, Antoine Vitez et Roger Planchon. Le propos est de produire une réflexion sur la pièce et son contenu par l'entrechoquement des points de vue de metteurs en scène. Mises côte à côte par l'intermédiaire de documents filmés et de photographies, les scénographies révèlent leur étonnante singularité et renvoient sans arrêt à une interrogation sur l'énigme féconde du texte de Molière.
 
Générique : Auteur :Bernard Dort - Réalisateur : Jeanne Labrune - 1993. Image : Jacques Gaudin - Son : André Siekierski - Montage : Frédéric Decossas, Renzo Di Lullo - Production: INA
- Dom Juan de Molière. Armand Delcampe. Grand'Henry, Vitold Sopat, 1999. 1DVD. Captation de représentation théâtrale de la pièce de Molière, filmée à l'Abbaye de Villers-la-Ville en Belgique en août 1999 d'après une mise en scène de Armand Delcampe. Interprètes : Didier Colfs, Leonil Mc Cormick, Isabelle Roeland. Bonus DVD :interview des interprètes, du metteur en scène.
- Dom Juan de Molière. Daniel Mesguich, Krynsisky, Vitold. Sopat/ CNDP, 2005. 2 DVD. Captation de représentation théâtrale de la pièce de Molière, mise en scène par Daniel Mesguich. Cette pièce a été créée au Théâtre du Gymnase à Marseille en 2003 et filmée à cette occasion par le réalisateur Vitold Krysinsky. Interprètes : Daniel Mesguich, Christian Hecq, Jean-Claude Aumont...Cette captation est complétée par des bonus : une leçon de Dom Juan avec Daniel Mesguich; historique des grandes mises en scène de Dom Juan; interviews de Daniel mesguich, Christian Hecq, Anne Cressent et Laurent Montel.
A consulter aussi :
- Le site de l'INA où on peut consulter une dizaine d'émissions de télévision, de 1 à 12 minutes concernant Jacques Lassalle et sa mise en scène de Dom Juan.
 
FILMOGRAPHIE - DISCOGRAPHIE
- THEATRE D'AUJOURD'HUI N°4/ Dom Juan de Molière,
métamorphose d'une pièce - Collectif
- DICTIONNAIRE DE DON JUAN, sous la direction de Pierre Brunel, Laffont, coll."Bouquins"
- ENCYCLOPOEDIA UNIVERSALIS- Articles/Don Juan 7-637/ Molière 15-607 A
- CHRISTIAN BIET, Don Juan, Mille et trois récits d'un mythe
  Découvertes Gallimard n°348,1998
- LOUIS-GEORGES TIN, Dom Juan, Ed. Bréal, Coll.
Connaissance d'une oeuvre, 1998
- LOUIS JOUVET, Molière et la comédie classique, Gallimard,
, 1965( plusieurs cours au conservatoire concerne la pièce et spécialement le rôle d'Elvire)
- ROLAND BARTHES, Ecrits sur le théâtre, Textes réunis et présentés par Jean-Loup Rivière, Editions du Seuil - Coll.Essais, 2002 ("Le silence de Dom Juan"et " Dom Juan", deux textes de 1954 sur le Dom Juan de Molière présenté à Avignon)- JACQUES LASSALLE ET - - JEAN-LOUP RIVIERE, Conversations sur Dom Juan, P.O.L., 1994
Sur l'internet on peut trouver nombre de textes intéressants. Consulter les sites Wikipédia, tout Molière, Christian. Mathis, René Pommier, etc.
 
Faire une recherche à partir des mots-clés/ Don Juan/Dom Juan, Molière/ou/Dom Juan, Molière plus le nom du metteur en scène/ par exemple : Barrat/Boutté/Delcampe/Favier/Gabily/Jaquesl/Jouvet/
Lassalle/Mesguisch/Planchon/Roumanoff/Torreton/Vitez/Weber
 
ETUDES SUR DOM JUAN
 
 
 
1947   Louis Jouvet. C’est de salut et de damnation qu’il est question
"c'est à mon avis, la plus grande pièce de Molière".
1954  Jean Vilar. Dom Juan est un héros athée, défenseur des libertés.
1965   Marcel Bluwal. Téléfilm disponible à la Bibliothèque de Douai. Avec Michel Piccoli et Claude Brasseur.  La pièce est une longue marche vers la mort.
1969 Patrice Chéreau. Dom Juan meurt, assommé. Les machines, constamment présentes, symbolisent le pouvoir, " Machine à tuer les libertins".
1979 Antoine Vitez. Le visage de Dom Juan, lourdement maquillé, ne revêt qu'une apparence.
1980 Roger Planchon. La dimension religieuse de la pièce est fortement marquée.
1993 Jacques Lassalle. Dom Juan n'est pas seulement un intellectuel. C'est aussi un homme sensuel, ivre de bonheur, de désir.
LES GRANDES MISES EN SCENE
 
1627 Tirso de Molina. Le trompeur de Séville.
1659 Dorimon. Le festin de pierre.
1665 Molière. Dom Juan.
1677. Thomas Corneille. Le festin de pierre.Le texte de la pièce de Molière utilisé aux répétitions, est celui publié dans la collection Librio (qui ne contient aucune présentation, note ou commentaire). Les éditions commentées à prix abordable (2,95 à 3,80 euros) dans une perspective scolaire ou non sont assez nombreuses et intéressantes (malheureusement l'édition Folio Théâtre n'est pas disponible actuellement). Selon ses goûts (pour la typographie par exemple) ou son jugement personnel on pourra faire son choix parmi les éditions suivantes (le titre est toujours : Molière, Dom Juan)
- Pocket Classiques - Maurice Mourier, Annie Collognat-Barès (très riche dossier historique et littéraire plus glossaire)
- Nathan/ Carrés Classiques - Françoise Rio (avec une rencontre avec Daniel Mesguich)
- Hachette / Biblio lycée - Catherine Duffau
- Petits classiques Larousse - Romain Lancrey-Javal
- Livre de poche - Jean-Pierre Collinet (avec un glossaire du langage paysan)
- GF Flammarion - Boris Donné
On trouve également le texte intégral sur des sites "Internet" tels que Gallica ou Site Molière  ou Wikisource.
1736 Carlo Goldoni. Don giovanni Tenorio.
1787 Mozart. Don Giovanni.
1830 Pouchkine. L'invité de pierre.
1836 Dumas père. Don Juan de Manara ou la chute d'un ange.
1844 José Zorrilla. Don Juan Tenorio.
1903 G.B. Shaw. Man et Superman
1952 Bertold Brech. Don Juan von Molière
1953 Max Frisch. Don Juan ou l'amour de la géométrie
1958 Montherlant. Don Juan
Et de nombreuses autres versions dont La Nuit de Valognes de Carl Emmanuel Schmitt.
 
 
LES VERSIONS DU MYTHE
Francisque, le Pauvre : De la dignité. Homme de qualité, il a perdu son emploi, s'est réfugié dans la forêt, réside dans une cabane et vit d'aumônes. Dans la première version, il sera le jouet de D.J et Sganarelle. Dans la seconde, il sera leur souffre-douleur.
 
Pierrot, Charlotte, Mathurine : De la truculence, de la santé, de la verdeur. Du mouvement : de la commédia dell' arte  à l'état pur.
 
La marchande de glaces et la jeune fille : dans leur fuite, Dom Juan et Sganarelle ont gagné la Sicile, puis la Grèce. Ils prennent le temps d'un bain de soleil avant leur promenade en mer.
 
La Gitane : Elle s'emploie à prédire l'avenir : le masque de mort est annonciateur du destin de Dom Juan.
 
La statue du Commandeur : Ses apparitions seront diverses en fonction du lieu et des possibilités d'éclairage.
 
Monsieur Dimanche : Parce qu'elle relève de la farce et n'intervient qu'à l'acte IV, cette scène a été parfois supprimée par le metteurs en scène. Et pourtant  elle fait sens autant que les autres scènes : l'argent prêté avec usure est le produit d'une société codifiée et régulée ; à ce titre, D.J s'oppose à cette valeur comme à toutes les autres, avec la même violence. Ses sbires ne ménageront pas M. Dimanche qui subira leurs rebuffades, ainsi que celles de Sganarelle.
 
La Ramée et un autre Spadassin : Dans la seconde partie du spectacle, ils veilleront en permanence sur D.J, prêts à tout pour défendre leur maître. Brutaux.
 
La Violette, Ragotin et les deux servantes : Le dîner est sans cesse troublé par des visites de plus en plus inopportunes : M. Dimanche, Dom Louis, Elvire, le Commandeur. L'atmosphère est sombre.
 
Un Spectre : Passera furtivement comme le signe avant-coureur de la mort.
 
Dom Juan : Il n'a pas de corps. C'est une pensée et une parole. Il n'existe que parce que les autres lui résistent. Et plus les menaces s'accumulent au fil des actes, et plus il acquiert de la vie...jusqu'à en mourir.
 
Sganarelle : Toute tentative de créer un lien affectif avec Dom Juan  est vouée à l'échec. Sganarelle n'existe que pour provoque/révéler la parole de Dom Juan. Sans lui, nous ne connaîtrions pas la pensée de Dom Juan sur la séduction et la beauté (I,2), la croyance (III,1) ou encore le comportement à adopter vis-à-vis de ses semblables (V,2 la tirade sur l'hypocrisie).
 
Gusman: Attention ! Ce n'est pas un valet mais un écuyer. Il a été chargé par la famille de veiller sur Elvire et de retrouver Dom Juan. C'est un homme de confiance.
 
Elvire :
 
- Première apparition : le texte permet de penser qu'elle vient dans l'espoir de reconquérir Dom Juan et que , malgré sa jeunesse, elle saura user de tous ses charmes pour parvenir à ses fins. Sa désillusion n'en sera que plus cruelle.
 
- Deuxième apparition : Elle ne se fait plus d'illusions. Mais son amour est intact et, au nom de celui-ci, elle supplie Dom Juan de revenir dans le bon chemin, sinon il court à sa perte. Messagère du Ciel, son chant est l'un des plus sublimes de la littérature théâtrale.
 
Dom Carlos et Dom Alonse : Frères d'Elvire, ils appartiennent à la haute noblesse andalouse. Chez ces gens-là, on ne plaisante pas avec l'honneur. Si Dom Carlos laisse percer une certaine lassitude dans cette recherche de Dom Juan, par contre, Dom Alonse, plus jeune, plus impétueux, se laisse difficilement contenir. Ce n'est pas par hasard que seul Dom Carlos réapparaît à l'acte V et laisse à nouveau partir Dom Juan.
 
Dom Louis : Vieille noblesse. De la classe. Les fils doivent se ranger  à l'avis des pères. Pas question de transiger. Une violence certaine. Sa seconde intervention a lieu quelque temps après la première. Il a vieilli, sans excès. Son attitude et son maintien sont différents : son aveuglement frise le ridicule. Parfait pour déclencher chez son fils la tirade de l'hypocrisie.
DE DOM  JUAN AU COMMANDEUR
Dom Juan se suicide
 
- Il sait qu "une méchante vie amène une méchante mort" (Sganarelle.I,2)
 
- Il songe à s'amender, mais "dans vingt ou trente ans"...(IV,7.
 
- Il accumule les provocations.
 
- Il refuse le repentir (V,5)
 
- Il marche vers la mort (V,6)
"Une pensée et une parole"
 
- Il n'est pas un athée puisqu'il reconnaît Dieu, mais un impie.
 
- Il n'est pas seulement un libertin (libre penseur tourné vers le plaisir) : en dehors de sa déclaration en faveur de la beauté (I, 2), on ne le voit pas séduire Elvire ou toute autre femme ( sa rencontre avec les paysannes relève plus de la moquerie que de la conquête)
 
- Il est surtout un héraut de liberté qui se heurte aux institutions et aux valeurs de la société : pouvoir, famille, mariage, religion, foi, argent.
"C'est une énigme féconde"
 
- Il est de partout et de nulle part.
 
- Il est en errance permanente : palais, bord de mer, forêt, domicile, église...dans un espace méditerranéen (La Sicile, l'Epagne, la Grèce...)
 
- Il échappe à l'analyse : il n'est pas ce qu'on appelle au théâtre, un personnage.
 
LE PERSONNAGE
 
Celui qui est devenu un véritable mythe européen est d'origine mi-historique, mi-légendaire. La légende populaire s'est formée en Espagne autour d'un ou plusieurs personnages menant une vie de débauche. Au début du XVIIème siècle la légende commence à se fixer dans la forme théâtrale. Dans El Burlador de Sévilla y convivado de piedra pièce de Tirso de Molina(en fait, un religieux) apparaît la première figure de Don Juan (Juan Tenorio) et quelques autres personnages qui sous des noms divers continueront de l'accompagner. Quelques périodes ou traits caractéristiques y sont aussi déjà rassemblés : la fuite en avant, l'amour, la mort, la religion.
 
Le thème se répand assez rapidement, d'abord en Italie, puis en France, en Allemagne, en Angleterre, etc. En Italie il est traité tantôt sur le mode burlesque et à la manière de la Commédia dell'arte, tantôt sur le mode de la comédie littéraire. Il évolue aussi : d'abord prince-bandit Don Juan devient ensuite noble éduqué. Mauvais chrétien remettant toujours à plus tard son repentir, il devient athée,  puis athée raisonneur. Présenté d'abord pour détourner le public des mauvaises moeurs il devient le héros de l'indépendance d'esprit et modèle d'un type d'homme moderne. Généré sur le registre de l'immoralité du séducteur il passe à celui de la philosophie des libertins (17me) puis à celui du libertinage  cynique (18ème). Ensuite le mythe va se dégrader et servir à toutes les fantaisies, non seulement au théâtre mais aussi dans le roman et la poésie. Un courant se distingue néanmoins au XIXème qui (à partir d'Hoffmann) fait de Don Juan un idéaliste déçu et déchu sauvé par la femme.
 
Avec Molière le mythe trouve une forme achevée, le personnage acquiert une réelle complexité et la problématique s'enrichit d'une ambiguïté (entre sexualité et athéisme) ce qui en assurera un rayonnement universel. Seul le Don Giovanni de Mozart et Da Ponte culminera autant.
LE VISAGE DU SEDUCTEUR
 
Du Dom Juan au Commandeur
Les grandes mises en scène
Versions du mythe
Bibliographie
Etudes sur Dom Juan
Autour de Dom Juan
Le visage du séducteur
Le personnage
Le Dom Juan de  Molière
Propos sur Dom Juan
 
« Molière n'a pas inventé le personnage de Don Juan. Ce héros mythique a été créé par un religieux espagnol en 1627, peut-être à partir de personnages réels. Depuis le mythe s'est répandu jusqu'à nos jours au théâtre, dans la poésie et le roman, au cinéma. Dans le nombre incommensurable d'oeuvres qui l'évoquent, deux sommets : Dom Juan de Molière et Don Giovanni de Mozart. Parti d'Espagne, le mythe se répand rapidement, en Italie d'abord puis en France vers 1660. La trame des pièces est alors toujours à peu près la même, avec des variations de détail : l'histoire d'un aristocrate débauché perdu par son refus de changer de vie.
 
En 1665, Molière se trouve dans une situation difficile. L'année précédente, son Tartuffe a été interdit par le Roi Louis XIV suite à "la Cabale des dévôts" (les intégristes de l'époque). Pour donner à sa troupe une pièce nouvelle à jouer, Molière se saisit du thème de Don Juan que des italiens et des français jouent alors à Paris avec succès. Mais, s'il n'invente rien, il porte néanmoins le thème à un haut degré de complexité et donne au personnage une densité inconnue jusque-là. En même temps il en fait aussi une suite à Tartuffe, continuant à dénoncer une fois encore le vice à la mode : l'hypocrisie.
Ce contexte pèsera longtemps sur la destinée de l'oeuvre qui, interdite aussi, restera plus d'un siècle et demi sans être jouée.  C'est finalement à partir de 1947 que Dom Juan est véritablement redécouvert, grâce à Louis Jouvet, et connaît un succès désormais continu. Les metteurs en scène du XXème siècle et d'aujourd'hui n'en finissent pas d'interroger cette oeuvre forte, énigmatique à certains égards, en tout cas d'une richesse inépuisable.
 
Le génie de Molière seul explique cette qualité hors normes. Précisément parce que, ignorant les fameuses règles classiques, Molière compose un monument d'art baroque qui associe tous les genres du théâtre pour les inscrire dans une cohérence dynamique née de l'action dramatique elle-même.
AUTOUR DE DOM JUAN
 
Le Dom Juan de Moliere
 
Au milieu des années 1660 Molière est à Paris; il connaît le succès mais aussi des difficultés. Son Tartuffe est interdit sous la pression du parti des dévots. Il a besoin de présenter une nouvelle pièce. Partageant la salle du Palais Royal avec les comédiens italiens, connaissant les pièces récentes de confrères sur Don Juan, sujet à la mode, il connaît bien le mythe et ses différentes formes. Il écrit Dom Juan assez rapidement puisant dans toute la tradition, sans inventer véritablement au niveau de la trame, mais combinant avec beaucoup d'adresse, d'équilibre et d'économie les composants traditionnels. Surtout par la conception et la langue, il donne une envergure incomparable à Don Juan d'abord mais aussi une vérité à tous les personnages avec lesquels celui-ci fait couple. Dans un mélange de genres typiquement baroque, Molière fond dans une même oeuvre ce qui ressortit à la comédie aussi bien qu'à la tragédie, à la farce, à la pastorale, ou au " Théâtre à machines".
Quoique s'affranchissant des fameuses règles classiques, il parvient à donner beaucoup d'unité et de cohérence à l'ensemble par le mouvement interne qui structure et anime toute la pièce.
Dom Juan a été créé le 15 février 1665 dans la Salle du Palais Royal (Molière dans le rôle de Sganarelle). Malgré le succès, les représentations se sont achevées avec la quinzième et n'ont repris dans la version originale qu'en...1884.
A partir de Louis Jouvet(1947) puis Jean Vilar (1953) chaque génération de metteurs en scène a fourni sa lecture de Dom Juan, chacun mettant en lumière une facette de sa richesse, une manière de le comprendre, une façon de le découvrir.
 
BIBLIOGRAPHIE
 
- Pocket Classiques - Maurice Mourier, Annie Collognat-Barès (très riche dossier historique et littéraire plus glossaire)
- Nathan/ Carrés Classiques - Françoise Rio (avec une rencontre avec Daniel Mesguich)
- Hachette / Biblio lycée - Catherine Duffau
- Petits classiques Larousse - Romain Lancrey-Javal
- Livre de poche - Jean-Pierre Collinet (avec un glossaire du langage paysan)
- GF Flammarion - Boris Donné
On trouve également le texte intégral sur des sites "Internet" tels que Gallica ou Site Molière  ou Wikisource.
 
Ecrite en prose (le Tartuffe était en vers), la pièce offre au spectateur une langue souple,  précise, concise et poétique tout à la fois. La parole de Dom Juan est son arme et les autres personnages le lui rendent bien.
 
S'il y a une histoire du mythe de Don Juan, une histoire de la pièce de Molière, il y a désormais aussi une histoire de la mise en scène de cette pièce. Jouvet, Vilar, Bluwal, Chéreau, Vitez, Planchon, Lassalle forment quelques uns des temps forts de cette histoire qui constituent souvent aussi autant de "lectures" de la pièce.
 
Dans la mise en scène de Roland Poquet, l'approche vise d'abord à comprendre le sens dramatique de l'oeuvre plutôt que, directement, son sens moral, psychologique ou métaphysique, laissant au spectateur le soin de sa propre compréhension à ce propos.
 
Ainsi abordé, Dom Juan apparaît comme une sorte de road movie où le personnage-titre "consomme" les autres personnages dans la fuite en avant d'un kamikaze fonçant vers un rendez-vous avec la mort. Tout au long de son errance, il se heurte à des personnages porteurs de valeurs de la société et chaque conflit vient alimenter la tension générale orientée vers cette issue annoncée dès le début, et pourtant surprenante.
 
De là vient une structuration de la pièce en deux grandes parties, comme les deux versants d'un sommet constitué par la  "scène du pauvre" (Acte III, scène 2)
Car le héros-titre n'est pas une figure figée; il a une histoire à l'intérieur même de la pièce; c'est pourquoi, on voit ici Dom Juan à deux âges différents. On voit aussi comment le personnage d'Elvire est double : femme délaissée à l'acte I, elle devient la messagère du Ciel à l'acte IV. En celle-ci sont toutes les femmes que Dom Juan a rencontrées. Sganarelle (rôle qu'assurait Molière) demeure comme le repère et le témoin inchangé et perdant, de cette fatale histoire ».
 
Création à Cuincy (Nord) le 8 octobre 2008
DOM JUAN
Molière
Dossier d'une aventure théâtrale
Mise en scène : Roland Poquet